BD JAZZ

Cette BD fait au plus simple : un dessin réaliste,
chaque double page évoquant un moment clef de la vie
de Ray Charles. De l'enfance pauvre jusqu'à la gloire
: voici donc « The Genius » en treize
tableaux accompagnés d'un texte qui résume à la
première personne les drames, les influences, la
musique et les engagements de l'artiste. Le trait de
José Correa rappelle parfois celui de Raymond Moretti
(sans toutefois le mauvais goût de ce dernier) et
reproduit fidèlement les images quasi iconiques de
Ray Charles comme des différentes personnalités que
l'on croise dans cette BD (King Cole, Martin Luther
King, Art Blakey...).
Le premier CD rassemble onze séances de studio
réalisées entre 1953 et 1959, soit un éventail très
représentatif de sa période Atlantic (1952-1959). Le
second CD puise dans la même période mais s'attache
aux « Live Sessions », reprenant
l'intégralité du « Ray Charles At Newport »
(Atlantic 1289, 1958) suivi de cinq titres extraits
de « Ray Charles In Person » (Atlantic
8039, 1959) et deux titres de 1961. Du Ray Charles
pur sucre, sans adjonction de vedettes pop. C'était
le bon temps.

L'hagiographie est un genre qui se perd, faute de saints et d'hagiographes sans doute. Heureusement, l'exercice trouve encore quelques adeptes qui n'hésitent pas à sacrifier leur temps libre, sinon leur vie, pour célébrer telle ou telle personnalité au point d'en perdre parfois la notion de la juste mesure. Pitet et Cabu perpétuent aujourd'hui cette tradition littéraire avec cette BD Jazz consacrée à Cab Calloway.
Reconnaissons à Cab Calloway quelques mérites : il a inventé un style d'entertainer, enregistré quelques scats bien sentis et, surtout, il a managé un des meilleurs big bands au tournant des années 40. C'était un chef d'entreprise brillant et généreux, qui déléguait la partie artistique à bien plus compétent que lui. A part ça, son art vocal se réduit à de puissants brames, pas toujours justes, rarement subtils. Un Minnie The Moocher de temps en temps, c'est sympathique ; deux copieux CD en enfilade, où la part belle est faite à sa voix sous toutes ses formes, c'est long (il y a quand même des extraits de la grande période du big band dans cette sélection). Pitet et Cabu ont d'ailleurs conçu cet ouvrage comme un vocal de Cab Calloway : sans grande finesse et clinquant. Le dessin de Cabu a connu meilleure inspiration (les couleurs sont assez moches, la mise en page un peu fouillis) et le texte de Pitet s'attache au seul pittoresque du personnage (mais y avait-il matière à procéder autrement ?). Cab le plus grand, Cab le meilleur, Cab le génie... L'enthousiasme, c'est un peu comme la cannelle ou la cocaïne : passé une certaine dose, c'est indigeste.
La BD s'achève par une étymologie pour le moins étonnante du surnom « Big Apple » donné à New York (une histoire de pomme d'Adam et de trac...), une sélection du fameux « Hepsters Dictionary » et la traditionnelle biographie bilingue, richement illustrée, qui est également un très complet répertoire de superlatifs, évidemment dédiés à Saint-Cab.
Dominique Périchon