LE BLOG-NOTES DE DOMINIQUE PERICHON

Jeunes jazzmen = drogués en herbe

Chien
Tout le monde sait que les musiciens de jazz sont drogués (les plus riches ; les autres sont alcooliques). Cette évidence n'aura fait qu'un tour sous le képi des gendarmes du Gers le 19 novembre 2008. Sans doute désolés du faible taux de criminalité de leur département et en mal d'action comme à la télé, les hommes de la brigade anti-drogue se sont rendus au collège de Marciac, établissement qui accueille des adolescents étudiant le jazz tout en poursuivant leur cursus scolaire. Car le gendarme sait qu'il faut enrayer le mal à la racine : ces apprentis jazzmen doivent sûrement donner dans la fumette, peut-être même qu'ils sniffent déjà et que la craie des tableaux n'est pas aussi calcaire qu'elle en a l'air, à moins qu'ils ne se shootent à la colle Cléopatre... On ne se prend pas pour Charlie Parker impunément ! Et puis tout ça, c'est enfants de bobos, néo-ruraux, gauchistes et compagnie... Donc, les voilà qui débarquent au collège. N'écoutant que leur courage, ils ont amené des chiens. On ne sait jamais avec les pré-pubères. La suite rappelle les descentes de police que les jazzmen ont souvent racontées (rappelez-vous Ella Fitzgerald, notamment, évoquant les tournées JATP), toutes proportions gardées. Toutes proportions gardées ? Pas tant que ça, en fait... Balade de chiens renifleurs dans les cartables des élèves, démontage de stylos suspects, fouille au corps, avec ordre de pas bouger, mains sur la table, sinon Rex, qui est autant chien que policier, peut mordre sans sommations. On raconte maintenant que quelques enfants auraient été traumatisés par cette intervention de "prévention"... Petites natures ! Ne savez-vous pas, jeunesse dorée, qu'il faut souffrir pour jouer le blues et que ce n'est pas en fumant des joints affalés sur vos canapés du commerce équitable sous le regard complice de parents abonnés à Télérama que vous allez connaître la vie, la vraie ! L'ordre, c'est : une ! deux ! une ! deux ! Pas : one, two, three, four... Alors, merci la gendarmerie. Et n'hésitez pas, valeureux militaires, à venir faire un petit tour en août, en plein festival, avec cette fois-ci toute une meute de bergers allemands. Au prix où sont les places, les festivaliers doivent avoir assez de fric pour se payer de l'héroïne pure.

Courrier des recteurs

Trompette Dupin








Octobre. C'est l'époque des châtaignes et des marrons. Avant l'hiver, le petit monde engourdi des amateurs de jazz prend des vitamines pour affronter l'hiver. Chaque année, ils surdosent davantage, les malheureux... Du coup, ils doivent se défouler. Alors, comme les festivals sont finis et qu'il commence à faire frisquet, ils se rabattent sur les revues de jazz qu'ils dévorent l'après-midi, juste après Notre Temps et Valeurs Actuelles. A la lecture du dernier numéro de Jazz Classique, leur sang exalté par le jus d'orange ne fait qu'un tour : un chroniqueur dit du mal d'un disque ! Ah ! Quelle vilenie ! En plus, ce chroniqueur est lui aussi un musicien ! Traître ! Grossier personnage...
Alors, ils saisissent leur plume, enfilent la panoplie de Zorro qu'ils comptaient offrir à leur petit-fils à Noël (tant pis pour lui, ce petit con aura un CD des New Bumpers à la place) et vont leur dire leurs quatre vérités, à ces mal embouchés !
D'où courrier. Comme à la bonne époque des gros mots dans l'éditorial. Un courant se forme pour laver l'affront même si ce n'est qu'une tout petite minorité bruyante qui s'agite dans le Landerneau. Comme d'habitude.
Résumons sans enfoncer le clou : dans le numéro de septembre 2008, Jean-François Bonnel n'a pas aimé du tout le disque du bordelais Fred Dupin. Il n'a aimé ni le résultat, ni l'intention, ni la forme, ni le fonds de ce CD, et l'a dit avec des mots parfois crus mais sans hypocrisie.
D'où courrier. Le mouvement vengeur vient - comme c'est étrange ! - du département 33 en majorité et des limitrophes. Autant dire que les Lyonnais, les Corses et les Alsaciens n'ont pas été choqués par la chronique de Bonnel... C'est le Mur de l'Atlantique, le Front Régional de Défense des Artistes Locaux. On sent bien qu'il y a, parmi les mécontents, des copains du trompettiste, vous savez, de ces amis fidèles qui trouvent tout ce que vous faites for-mi-dable, vraiment, vraiment, sincèrement, é-pa-tant... Il n'y a pas pire !
On imagine aussi la tête de ceux qui ont réellement aimé le disque : un critique, et surtout un vrai musicien, enseignant qui plus est, leur met le nez dans leur propre incompétence, preuve à l'appui... Eh oui ! Ce qu'ils aiment, ce qu'ils louent, est objectivement contesté par un professionnel (je veux dire par là, pas un « musicologue » auto-proclamé mais un authentique spécialiste). Eux qui se croyaient amateurs éclairés ne sont que collectionneurs éteints. La honte, comme diraient les jeunes !
D'autres n'ont pas aimé le disque mais contestent les mots employés par le chroniqueur. On peut. On a le droit. On peut aussi écrire à chaque revue, à chaque chaîne de télé ou de radio dès qu'on n'est pas d'accord avec ce qu'on y raconte. Il faut pour cela avoir du temps à perdre et une grande estime de soi. Et les arguments sont toujours les mêmes : « En tant qu'abonné, je m'indigne gna gna gna... » Ou encore : « C'est facile de critiquer mais l'art patati patata... » D'abord, l'idée assez démagogique selon laquelle un journal appartient à ses lecteurs est pure foutaise. Jazz Classique n'est pas plus un service public. C'est une revue de bénévoles, écrites avec différentes sensibilités, différentes voix. Si vous voulez lire des chroniques uniformes, sans surprise et sans saveur, ça existe, et même depuis longtemps... Quant à l'exercice de la critique, je crois qu'il est très facile de chroniquer un Basie de 1937 sur lequel tout le monde s'est déjà exprimé, pas compliqué non plus de dire tout le bien qu'on pense d'un excellent disque récent. Mais c'est autre chose de parler des ratages complets du jazz actuel, français en particulier : il faut retrousser ses manches et descendre la poubelle. On peut refuser de le faire (comme on nous l'a souvent conseillé d'ailleurs) mais quel mépris pour l'artiste ! Le silence plutôt que le coup de gueule ? Je ne suis pas sûr que ce soit un choix très honnête. Oui, un musicien peut être sincère, mettre tout son coeur dans sa musique. Oui, la location d'un studio d'enregistrement est exorbitante et produire un CD aussi. Et alors ? Il faudrait lui trouver des circonstances atténuantes pour ces simples raisons ? Quand on présente une création au public, il faut s'attendre à tout. Y compris au pire. Ce qui est amusant dans ces cas-là, c'est que ce n'est jamais le principal intéressé qui réagit mais Machin et Consort qui font une sorte de transfert ou qui croient l'offensé incapable de riposter. Pas très sympathiques en définitive, les chevaliers blancs...
La promotion tous azimuts dans les médias a contaminé tous les publics. On ne sait plus combien pouvaient être virulentes les plumes des critiques d'il n'y a pas si longtemps, sans remonter à Léon Bloy ou aux Surréalistes, quand le débat autour de l'art était vivant, et non pas marchand, rampant. Mais le gros du public jazz a-t-il envie d'être titillé dans les charentaises de ses certitudes ? Il faut le voir, ce public habitué des concerts : la soixantaine, profession libérale, maison de campagne, un peu de cholestérol, aime les mots fléchés, le vin avec modération, le golf et les romans bien écrits. Chut... Ne le réveillons pas.


In extenso, voici reproduite ci-dessous la lettre d'un lecteur, vraisemblablement écrite sous ectasie (je l'espère), une perle, une merveille de syntaxe et de réflexion scatologique. Nous ne publions pas le nom de son auteur par pitié pour ses proches (mais, contre une enveloppe timbrée, on vous révélera l'identité de ce spécialiste des bandas) (oui, oui : il y a des spécialistes des bandas...). Plaidoirie :

« Pourquoi tant d’acharnement contre Fred DUPIN ?


Quand votre plume trempée de vitriol n’a plus comme inspiration que la volonté à détruire, n’a plus comme piètre vérité que celle d’anéantir le travail et la passion des autres, il vous faudra un jour faire une lente mais ô combien nécessaire introspection de votre âme, de sa propre résonance, afin d’essayer de comprendre pourquoi votre inspiration n’est plus maintenant qu’une arme qui ne défend plus rien en soi, mais se met au service de l’attaque des autres.
Est-ce à croire que lorsque l’on devient critique musical, tous les coups sont permis, gratuits, prémédités, et accompagnés de la seule vertu des lâches que l’on appelle l’hypocrisie. Quand on n’ose plus rien de soi, quand le miroir de sa vie ne renvoie que l’image minable d’un quelconque mercenaire du stylo à bille, on est loin du panache des ceux qui croient encore et toujours comme
Fred DUPIN au moment magique certes éphémère que procure la Musique.
Jamais les critiques n’ont fait avancer les artistes, (ils en vivent) du reste il n’existe à ce jour, aucune rue, aucune place publique portant le nom d’un critique célèbre.
Peut être un jour, seront affublées
[sic] sur la porte de quelconques toilettes publiques les lettres de votre nom, mais l’endroit certes propice à votre souvenir aura toujours la désagréable sensation qu’avec le glaçage du papier de votre revue rien ne pourra y accrocher et tout, à l’image de tout ce que vous écrivez en la matière, continuera inexorablement de glisser.
Vous vous targuez de défendre l’histoire, et d’interdire le retour en arrière, en hommage comme le fait
Fred DUPIN avec cette passion qui est toujours la sienne, intacte, durable, enracinée chez lui.
Lui, construit son futur au présent, tous les jours autour de ceux qu’il aime, musiciens, amis et famille aussi. Son temps est présent, son temps est précieux, il n’est fait que d’avenir, avec cette pointe de souvenir, et de nostalgie sur le temps passé, et ceux qui l’ont vécu.
[Si vous avez compris ce paragraphe, écrivez-nous]
Votre temps à vous n’est ni du présent, ni du passé, encore moins du futur. Par contre, l’imparfait, vous va à ravir. Mieux l’imparfait du subjonctif  qui me laisse vous dire: « Qui l’eût cru, un jour que vous ne sachiez à peu près faire que ce que vous pûtes….. » [Là, ca devrait se soigner avec un bon Bescherelle et des cours du soir]
Je n’ai aucune haine contre vous, car pour haïr les gens faut-il déjà les considérer. »

Ce qui illustre à merveille cette brève de comptoir : « Il pense tout haut. Du coup, on entend bien qu'il est con. »

Le nom du batteur...

Le jeune batteur de 22 ans au côté de Jim Robinson n'est pas un musicien professionnel, juste un amateur passionné de jazz qui deviendra un géant du cinéma : Stanley Kubrick.
Kubrick a 17 ans seulement quand il devient photographe free-lance pour le magazine new-yorkais « Look ». Cette photographie, qui le montre au côté de Jim Robinson, date de 1950. A cette époque, Stanley Kubrick n'a pas encore tourné de film (premier court-métrage en 1951) et il réalise des portraits de jazzmen : George Lewis, Alcide Pavageau, Lawrence Marrero, Jim Robinson, Joe Watkins, Sidney Bechet, Louis Armstrong, Jack Teagarden, Eddie Condon, Phil Napoleon, Oscar Celestin, Alphonse Picou, Muggsy Spanier, Art Hodes, Pee Wee Russell, Lee Collins, George Brunis, Sharkey Bonano, Red Nichols...
Kubrick photographie en reporter ; il saisit les jazzmen dans leur art, comme le ferait un Herman Leonard, mais également dans leur intimité, hors scène. Ainsi, cette belle photo de George Lewis en compagnie de sa mère, dont les détails racontent beaucoup de choses : le regard du clarinettiste, la grande modestie du décor, le gilet élimé aux épaules...
Un livre consacré à l'art photographique du génial cinéaste, « 
Drames & Ombres : photographies 1949-1950 » aux éditions Phaïdon (2005), présente six clichés autour du jazz : George Lewis, seul, avec son orchestre, avec sa mère, le trompettiste Charlie Love. Et des centaines de photographies sur d'autres thèmes (le spectacle, le cirque, la rue, etc.) tout aussi belles.

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Charlie Love (photo Stanley Kubrick)


























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Jim Robinson (tb)
Alcide “Slow Drag“ Pavageau (b),
Elmer Talbert (tp),
George Lewis (cl),
Lawrence Marrero (bj)
(photo Stanley Kubrick)












La photo réunissant George Lewis et sa mère est reproduite à la page 12 du dernier Jazz Classique (n°48).

Bravo à Alain Pailler (1) et Thomas Levade qui trouvèrent la solution de ce quiz difficile !
(1) Alain Pailler est l'auteur de “Plaisir d'Ellington“ et “Duke's Place“, chez Acte Sud (J. Cl. n°20 p.44), et de “La Preuve par neuf“ aux éditions Rouge Profond (J. Cl. n°46 p.40).

Quiz

Qui est le jeune batteur (très connu) qui accompagne Jim Robinson dans un décor de bayou aux environs de 1950 ?
Solution le 27 novembre au soir. Le premier à donner la bonne réponse gagne un abonnement à Jazz Hot.

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Du sacré dans la littérature jazz

page11_blog_entry9_1 Un stage faubourg du Moustier

A lire le courrier que Guy Chauvier a reçu à propos de son éditorial paru dans Jazz Classique N°47, à écouter les témoignages – quasiment des confessions - que des lecteurs lui ont livrés, on sent bien qu'il a touché quelque chose de profond dans le monde assoupi des amateurs de jazz. N'ayons pas peur des mots : quelque chose de sacré... Parce qu'il y faisait indirectement allusion à deux éléments sacrés, voire tabous : Hugues Panassié et la merde. D'abord Panassié. Le tsunami épistolaire vient, bien entendu, des affiliés au HCF (parmi lesquels des fidèles à genoux et des renégats autoproclamés). Ces lettres outrées ou vengeresses (chantage à l'abonnement !) ont un point commun : leur auteur ne peut émettre un jugement, un avis ou même une vague idée sur le jazz, sans faire référence à la parole d'un autre ! Obligé de citer la secrétaire de Duke Ellington, ou une phrase définitive qu'Illinois Jacquet aurait prononcé, ou l'opinion d'un copain qui passait par là, ou leur chien Pataud qui aboie de plaisir quand on lui passe un disque de Mezzrow ! Ne cherchez pas l'origine de ces goûts par procuration : c'est la mauvaise habitude de ces croyants qui brandissent la Bible à chaque mot. Le jazz ne les intéresse pas vraiment : c'est l'oeuvre intégrale d'Hugues Panassié qui les passionne, l'homme, le sage de Montauban... Mais Hugues Panassié est mort ! Le saviez-vous ? Vous pouvez foutre vos saloperies de pipes à la poubelle, arrêter de croire que le fino de Jerez est votre alcool préféré, balancer les poésies rasoir de Pierre Reverdy, penser que le rugby est un sport de boeufs et lire enfin en rigolant franchement les traductions de blues de Madeleine Gautier ! Libérez-vous ! Ecoutez avec vos oreilles... Hugues Panassié n'était pas une divinité, il ne reviendra pas vous tirer les poils pendant votre sommeil si vous achetez un CD de George Lewis (Albert Ayler, ce sera pour plus tard, il faut y aller doucement) ou si vous vous barbez en écoutant en boucle le King Oliver Creole Jazz Band... Deux souvenirs personnels. Un jour, l'un des auteurs de ces lettres m'a dit : « Je devais écrire un compte rendu de concert. Alors, je me suis demandé ce qu'aurait écrit Hugues Panassié à ma place... » Même sa femme s'est foutue de lui... Une autre fois, un membre on ne peut plus dans la ligne orthodoxe du HCF avoua à un musicien : « Oui, Parker, le bop, c'est du jazz, bien sûr... ». Il n'en pensait pas un mot. Il voulait juste faire plaisir au musicien et ne pas passer pour un réac. Alors, quant à la valeur de la parole de Machin ou Bidule, on repassera... Et, d'ailleurs, on n'est même pas obligé de me croire. Ensuite la merde. « Quand, avec le concours de nombreux musiciens, on écrit sur le jazz et les musiciens de jazz, on peut difficilement accepter que ces derniers se fassent régulièrement chier dessus. » Le mot coince. Il n'est pas chic, c'est vrai. Mais j'entends Guy Chauvier me citer en vrac Sade, Bataille, Rabelais, Artaud, Céline, Genet ! Les plus grands écrivains ont parlé de la merde ! Mais, dans une revue de jazz, ce n'est pas permis. Le ton doit être compassé, lourd, et l'humour comme la colère doivent rester dans des normes qui ne réveilleront pas le lecteur. Certes, on peut, comme Panassié, écrire dans le « style du bachot » (comme dirait Louis-Ferdinand Céline), être plus ennuyeux qu'un billet économique dans Valeurs Actuelles, se complaire dans les mêmes jeux de mots depuis quarante ans ou carrément écrire comme un pied (je sens que vous savez de qui je parle)... Dans cet éditorial, un mot comme « chier » était là, non pour choquer, mais pour exprimer en coup de poing la réaction excédée d'un amateur de jazz devant une critique qui n'en était pas une, devant les carcans définitifs dans lesquels on enferme les musiciens depuis cinquante ans. On est souvent agacé par un excès de pommade ou de fiel au sujet d'un musicien, d'un enregistrement, et, la plupart du temps, on traîte ce genre de propos avec indifférence mais il y a des jours où, effectivement, ça fait chier. Et on a envie de le dire. Peu de choses sont sacrées, et certainement pas l'avis des critiques morts ou vivants, ni chaque note produite par un grand musicien, sous prétexte que c'est un grand musicien. Ça s'appelle de l'idolâtrie et c'est très mauvais pour la santé. Certains craignent que cette huile sur le feu (l'édito de Guy) ne ravive les guerres d'antan où les traditionnels se heurtaient aux modernes. Je ne sais pas si l'on doit en avoir peur, ce serait au moins un signe de vitalité : vitalité de la critique de jazz, et surtout du jazz lui-même. On peut rêver.

Les fils du vent


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Quand un réalisateur propose un documentaire sur la musique et la vie des Manouches d’aujourd’hui, les chaînes de télévision répondent en chœur : « La musique n’intéresse personne… Quant au jazz manouche, on connaît ! » Ce qu’on connaît surtout, c’est la grande audace des chaînes qui n’hésitent pas à rendre hommage en boucle tout au long de l’année à de grands musiciens morts comme Dalida ou Charles Aznavour, ou encore à accorder une place importante à la musique classique passé 23 heures 45…
Voilà le lot des documentaristes en général et celui de
Bruno Le Jean en particulier.

Bruno Le Jean réalise un documentaire :
Les Fils du vent. Il ne s’agit pas de capter les concerts de Ninine, Tchavolo Schmitt, Moreno ou d’Angelo Debarre mais de montrer comment le swing, la famille et le voyage tressent au quotidien des liens si serrés qu’il n’est pas plus possible de les démêler que de rompre l’unité qui soude les Tsiganes. Ninine parle avec humour du « camp des Indiens » ; Angelo montre le carnet de circulation exigé de chaque Tsigane en France ; Moreno donne une leçon de tenue de scène… Et ils jouent, chantent, transmettent leur art de père en fils, puis reprennent la route…

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Bruno Le Jean réalise ce documentaire : le présent est de mise, hélas ! puisque, faute de financement suffisant, Les Fils du vent reste à achever. Une bande-annonce existe cependant, elle est visible sur les sites djangostation.com ou dailymotion.com. L’image est belle, on sent que les musiciens se sont livrés avec sincérité (et parfois amertume), et que Bruno Le Jean a su raconter la musique de ces Manouches.

Alors, il faut trouver des solutions pour que Bruno Le Jean termine son documentaire, pour que ce film voie peut-être le jour dans les salles obscures. Vous avez une fortune personnelle ? Déshéritez vos enfants et produisez
Les Fils du vent ! Vous vous ruinez en rééditions de vieux enregistrements ? Arrêtez et investissez dans le présent !

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Soyons sérieux : on a rarement vu en France un projet autour du jazz aussi ambitieux et jamais sans doute n’a-t-on filmé les musiciens avec une telle qualité, une telle approche (c’est en tout cas l’impression laissée par la bande-annonce). Il serait dommage que ce document, qui ne passionnera pas que les amateurs de jazz, reste à l’état d’ébauche. Djangostation.com, grâce auquel l’existence de ce film a été révélée, lance un appel à ses lecteurs ; relayons cette initiative pour que Les Fils du vent ne joue pas la fille de l’air.

Les liens pour voir la bande-annonce (ou « trailer » ) :

http://www.dailymotion.com/relevance/search/fils+du+vent/video/x2e6s2_les-fils-du-vent_music
http://www.djangostation.com/jazzmanouche.php?article729

Rap manouche


N’en déplaise aux maires et aux préfets qui envoient régulièrement la maréchaussée déloger les camps tsiganes qui ne dérangent personne, le rap manouche est là ! Depuis quelques années déjà, Starsky « YS 500 Cartouches », rappeur manouche, dénonce la condition de ses frères, sans oublier pour autant ses racines musicales. A Courbevoie, entre rap et slam, Syntax balance, accompagné par la guitare de Ninine :
« 
On nous accueille rarement avec le sourire,
Nous appeler les voleurs de poules leur colle toujours le fou rire.
On leur demande pourtant pas grand-chose,
Juste d’être tranquilles,
Mais dès que, dans un coin, on se pose,
Ils veulent qu’on décolle,
Persuadés que tous les Gitans volent.
Ils refusent nos enfants dans leurs écoles,
Les laissant ne savoir ni lire écrire.   Demain, ils s’étonneront de le voir capable du pire…
 »


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Syntax connaît également les harmonies de Sweet Georgia Brown à la guitare ! Pour lui, swing manouche et rap diffusent la même énergie. En 2004 (déjà ! Nous ne sommes pas à la pointe de l’actualité !), avec DJ Godzy, il a enregistré son premier disque, « Gens du voyage », et Ninine Garcia était de la partie. Un des thèmes s’intitule « Django »…
Voilà en tout cas une belle idée de cadeau si vous avez un parent (je ne vous le souhaite pas) maire ou préfet.

Un lien pour voir un reportage :
http://www.dailymotion.com/video/xm99u_syntaxe-le-rap-manouche_music

Un autre lien pour voir le clip (plus gitan que manouche) de Syntax et DJ Godzy :
http://www.dailymotion.com/video/x57rw_rapmanouchesyntax-dj-godzy_music

Le héraut du mois


Cochon
Février 2007 : c’est sous le signe du cochon qu’Yves Sportis a placé son dernier éditorial dans Jazz Hot (n° 636) intitulé, justement, « Mon cochon ! ». Allusion à l’année chinoise qui débute ce mois-ci ? Apparemment pas. Ceint du drapeau de la Liberté d’expression et ganté des moufles de la Vérité, le directeur de la publication de cette belle revue s’attaque à quatre grands sujets : « l’affaire » Pascal Sevran ; la pendaison de Saddam Hussein ; le refus d’un député américain de prêter serment sur la Bible ; la distribution de soupe au lard aux nécessiteux.
Où est le jazz dans tout ça ?
Ne cherchez pas : nulle part. Les éditorialistes se prennent parfois pour Don Quichotte (celui des tentes, pas des moulins) et profitent de la page qu’ils squattent pour jouer aux penseurs. On pourrait en rire ou, mieux, faire comme d’habitude : ne pas lire l’éditorial. Mais ce serait tomber dans le travers que dénonce Sportis : fermer les yeux, céder au compromis, se plier aux idées dans le sens du vent. Alors, suivons son exemple et luttons contre la tartufferie.
Yves Sportis semble vouloir nous dire : « Ecoutez, la musique c’est bien joli mais les vrais problèmes sont ailleurs ! Je vais vous montrer la voie, désigner les coupables. » Le fil rouge entre les différents sujets abordés est, selon l’auteur, la langue de bois, l’atteinte aux valeurs républicaines, l’hypocrisie ambiante (et pas du tout l’Islam, comme on pourrait le croire à la lecture des chefs d’accusation...).
Que Sportis prenne parti pour Sevran et son eugénisme tranquille, soit. Qu’il se réjouisse de l’exécution de Saddam Hussein, c’est son droit. Qu’il s’énerve contre un député qui veut jurer sur le Coran, c’est son problème. Qu’il crie au fou contre ceux qui contestent (ou approuvent ? Pas clair !) la présence de lard dans une soupe populaire, ça l’occupe. Ce qui est plus agaçant (je veux dire, à part ce ton petit-professoral), ce sont les arguments qu’il avance.
Concernant Pascal Sevran, Yves Sportis balance le nom de René Dumont, père de l’écologie en France, qui, d’après l’éditorialiste, ne disait pas autre chose que le fameux brocanteur télévisuel. Mais avec d’autres mots. Effectivement : quand l’un dit que « la bite des noirs est responsable de la famine en Afrique », l’autre souligne la nécessité des contrôles de naissances. Penser qu’une même idée peut être véhiculée avec des mots, un ton et un contexte complètement différents revient à affirmer que les mots n’ont aucune importance. Voilà qui est révolutionnaire. Et pratique. Il y a pourtant, me semble-t-il, la même différence entre « contrôle des naissances » et « bite des noirs » qu’entre « musique populaire des noirs américains » et « bamboula de négros ». Juste une histoire de mots…
Et le jazz dans tout ça ?
Oh, mon pauvre monsieur, avec tous ces « bien-pensants » qui s’indignent de la mort d’un seul homme (Saddam, célèbre baasiste irakien, 1937-2006) et se moquent des millions de morts anonymes des guerres et des famines, comment voulez-vous qu’on y pense au jazz hot ?( Voilà le genre de réflexion qu’on entend dans la file d’attente à la boucherie, une fois que le sujet météo est épuisé.) Mais ce n’est plus du combat éditorial, c’est de l’angélisme ! En même temps, il n’y a pas d’âge pour découvrir la lune. Eh oui, on pleure sur les “grands“ hommes (ou sur la façon dont ils meurent) et on dort très bien après les catastrophes de masse au journal de 20 heures. La nature humaine est ainsi faite. D’ailleurs, lorsque nous mouillons notre mouchoir à la disparition de Jay McShann annoncée en fin d’édito, qu’avons-nous ressenti lors du dernier ouragan sur les Philippines ? L’empathie est un mot à la mode. Il est aussi devenu une pose.
Quant aux reproches adressés à Robert Hossein et Alain Decaux (on se demande...), accusés de « réviser l’histoire », on fera remarquer à Yves Sportis que le rôle de l’historien est bien de réviser l’Histoire de temps en temps, sinon on en serait toujours à Saint-Louis sous son chêne et Charlemagne qui invente l’école. Révisionnisme et non pas négationnisme. Nuance de mots…
Et le jazz ?
Il y encore l’affaire de la soupe au lard (là, on ne comprend pas tout), puis l’histoire de ce député musulman qui demande à prêter serment sur le Coran que Sportis foudroie du haut de son stylo. Dans un élan houellebecquien teinté de Robert Redeker et Gérard Miller (quel hybride!) Yves Sportis traite le livre sacré de « plagiat militarisé de Mahomet » (de la Bible, le plagiat)… Ça, c’est courageux ! Surtout si les jazzmen (noirs américains en particulier) baptisés ou convertis à l’Islam lisent cet article… Je sais : le risque est ultramince. Dommage. Il y a des fatwas qui se perdent… L’éditorialiste est outré par la « soumission du peuple américain au Coran », et non par les réactions anti tout-ce-qui-n’est-pas-chrétien parmi les élus : c’est bien là une de ces pensées conformistes dénoncées par notre chevalier blanc, non ? Au passage, le député dont parle Sportis dans son cours de théologie s’appelle Keith Ellison. Il a oublié de le citer. Encore des mots, toujours des mots…
En fait, le principe n’est pas nouveau. Vous voulez passer pour un fin observateur des mœurs contemporaines, un chroniqueur à qui on ne la fait pas ? C’est simple : prenez le contre-pied systématique de l’opinion générale. Ayez l’air courageux, surtout si votre tribune libre vous abrite des tomates, des quolibets et des bombes. Et puis parlez, parlez, il en restera peut-être quelque chose… On attend maintenant avec impatience la position d’Yves Sportis sur Papon et sa légion d’honneur
de profundis.
Le jazz ?
L’édito s’achève par une rapide nécrologie : Jay, Anita, Ahmet et les autres. Tout un long éditorial pour parler d‘autre chose et, quand le nom du magazine trouve enfin sa justification, c’est pour déposer une couronne de regrets éternels. Le jazz est mort, Yves Sportis l’a enterré ce mois-ci dans la fosse des lieux communs.

Février 2007 : l’année du cochon a débuté par le mois de l’andouille.

Y. Sportis Editorial Jazz Hot n° 636

Tears


Sans-titre-1
Sous le titre « Hommage au Quintette du Hot-Club de France », le site du HCF affichait le 31 janvier dernier le texte d’une chanson dédiée à Django Reinhardt et au Quintette. Pour rire franchement, rendez-vous sur le site, cliquez sur l’icône « Réagir » (une sorte de dentier vaguement animé : autodérision ?) et descendez jusqu’à la date mentionnée ci-dessus. C’est beau comme du Madeleine Gautier.
www.hot-club.asso.fr/debat.html

Preston Love


Preston-Love001
Preston Love parle dans Jazz Hot de décembre-janvier 2007. Ou plutôt "parlait", puisque l’interview date de juin 2002. Le saxophoniste Preston Haynes Love ("Preston Haine Amour" ?) raconte sa carrière avec l’humilité des musiciens, sinon de l’ombre, du moins de la pénombre (même s’il a eu son heure de gloire : un autobus avec son nom dessus !), avec l’élégance des artistes de talent et l’autorité aussi de ceux qui ont vécu le jazz de l’intérieur et suivi son évolution depuis la grande époque des big bands jusqu’à l’indéfinissable rhythm & blues :


A propos des territory bands : « Les territory bands, de moindre renommée et de moindre envergure [que les orchestres de Basie, Ellington, Lunceford], jouaient de la musique de danse. Ils ne jouaient pas tout à fait du jazz ; c’était plutôt de la musique pour faire danser, de la dance music. »

Les années 40 : « C’était la grande époque ! Les deux musiques, la blanche et la noire, étaient alors très différentes ! La musique noire était très créative, en pleine évolution, alors que la musique blanche ne faisait qu’imiter les Charlie Parker ou Lester Young pour n’en citer que deux. Nous, Noirs, avions une culture différente : elle provenait de nos habitudes de vie et de nos comportements. »

L’église : « La musique d’église, la plus grande chose qui nous soit arrivée ! C’est un mélange, un tout dans la façon dont on exprime notre être, notre âme : nos lamentations, nos souffrances, dans nos vies d’Afro-Américains. […] Personne ne peut nous imiter, les Blancs ont une expérience différente de la vie. Leur culture l’est également. »

Preston Love est mort en 2004. Il a publié son autobiographie en 1997, A Thousand Honey Creeks Later (My Life In Music), Wesleyan University Press.

Coming Out


Jazz Hot n° 635. Rayon « Chroniques de disques. Page 56. Michel Bedin nous interpelle. A propos du dernier CD de Rodolphe Raffali : « Est-ce du jazz ou même du swing manouche, les spécialistes vous préciseront la chose, avec force précisions musicologiques. Pas moi, je ne veux que vous dire à quel point ce CD m’a ému. […] du swing à l’état pur. »
Magnifique aveu qu’on pourrait traduire ainsi : « Je n’y connais rien mais j’écris malgré tout dans une revue spécialisée. » Saluons le courage de ce « correspondant » (dixit l’ours de Jazz Hot) qui, équipé d’une telle philosophie, pourra tout aussi bien s’exprimer dans "Tracteur Hebdo" ou "Canidés Magazine" (« Je ne fais pas la différence entre un yorkshire et un saint-bernard mais laissez-moi vous dire combien ce chien m’a ému ! »).
Et Michel Bedin d’afficher sa condescendance pour les « spécialistes » qui « préciseront » avec des « précisions », avant de décréter que cette musique swingue à « l’état pur », quelques lignes après avoir avoué son ignorance en la matière.
Michel Bedin, chroniqueur non spécialiste,  qui êtes-vous ? La question brûle nos lèvres de lecteurs amateurs. Il se présente lui-même page 51, à l’occasion d’un autre CD, dans une sorte de portrait en creux : « …
et moi, qui ne suis pas un vrai critique de jazz, avec diplômes de musicologie, amitiés et dividendes dans la profession, je vous le dis franchement : « Moi, j’aime. » Bravo. C’est un pur. Qui ne trempe pas dans les compromissions de la grande Mafia du jazz. Qui n’a pas d’amis dans le milieu. Qui n’a pas fait d’études. De cette dernière révélation, on n’est guère étonné puisque ses chroniques ne dépassent pas le niveau CE1 dans le maniement de l’argumentation : « J’aime/J’aime pas ».
Il a raison, Michel. Le jazz souffre de trop de spécialistes, de gens qui savent faire la différence (à l’oreille, ainsi qu’on l’enseigne dans les facultés de musicologie) entre la variétoche qui zingue et le jazz qui swingue ! Rejoignons le mouvement bediniste : « Pour une critique sans compétence et fière de l’être et qui se gène pas pour donner son avis ! » Prochaine réunion au café du commerce ou dans Jazz Hot n° 636.

Morceaux choisis


Nabe 1 couv

MARC-EDOUARD NABE. MORCEAUX CHOISIS.
494 pages, Editions Léo Scheer, 2006. 20 euros.


Pour nous prouver qu’il est toujours bien vivant, Marc-Edouard Nabe utilise désormais des procédés d’ordinaire réservés aux écrivains morts : la réédition du premier livre (Au Régal des vermines, Le Dilettante, 2006) et l’anthologie (Morceaux choisis, Léo Scheer, 2006). Il ne manque que La Pléiade… C’est efficace ! Ses textes, loin de sentir la poussière, refleurissent à cette occasion.
Avec
Morceaux choisis, on relit cet écrivain comme on se nourrit de mezzés : on pioche, on choisit, c’est varié, chaud et froid. Morceaux choisis est un abécédaire intime, composé de chorus compilés parmi les livres de Nabe et qui prennent parfois l’allure d’aphorismes. Relire ainsi Nabe, c’est retrouver les pages d’enthousiasme qu’il a consacrées au jazz et à la vie en général pendant 20 ans. Et que Marc-Edouard Nabe aime ou déteste, il l’écrit toujours avec une jubilation contagieuse et une honnêteté qui recoiffe. Alors, si vous n’êtes pas familier de cet écrivain, abordez (au sens « pirate » du verbe) son œuvre en débutant par ces Morceaux choisis qui éclaire particulièrement les thèmes (au sens « jazz » du mot) qui jalonnent ce livre puzzle.
A la lettre « J », il n’est donc pas étonnant de trouver « J comme Jazz ». Voici quelques morceaux de ces morceaux choisis, quelques miettes roboratives et réjouissantes :


« Le jazz, ça ne s’improvise pas. »

« Django était un dandy. Il mélangeait les rayures et les pois, les carreaux et les chevrons... Un grand chapeau de gangster d'opérette là-dessus et le tour était joué : Django — mi-Maharadjah, mi-PDG — promenait sa silhouette ultra-nonchalante dans les boîtes de jazz, vingt-sept cousins derrière ce seigneur en apparat, débarquant de son royaume, rêveur. »

« Stéphane Grappelli. Très bon musicien de caf'con’, mais pas de jazz. Il a gâché tous les enregistrements de Django Reinhardt ! Je ne peux pas le supporter avec ses chemises bariolées « ça-va-avec-tous-les-repas » et ses envolées pompelardes de précieuse ridicule ! Heureusement, il n'en a plus pour longtemps : son violon sent le sapin. »

« La plus belle anecdote que nous raconte Jimmy Woode avant de nous embrasser tendrement, c'est la suivante : Sam [Woodyard] n'a jamais su lire la musique. Lorsque Duke désirait un arrangement un peu spécial pour telle œuvre ou tel concert, il ne pouvait pas compter sur Sam qui prétextait un mal d'estomac au moment des répétitions. Au bout de quelques fois, Duke engagea un autre batteur, uniquement pour les répétitions, sorte de « boute-en-train » qui, l'après-midi du concert, exécutait les sauts périlleux souhaités ou lisant les partitions pendant que Sam, assis au fond de la salle, cigarette aux ongles, écoutait et enregistrait dans sa tête ce qu'il aurait à faire le soir même ! ! ! »

« On reconnaît le swing mais on ne peut pas l'expliquer : c'est inexplicable, comme la Foi, le Désir, la Faim, la Poésie, l'Orgasme. Qu'est-ce que le swing ? Est-ce que vous pouvez m'expliquer l'odeur de la lavande ? »

« Le rock, c’est ma bête blanche, trop blanche pour que je verse, avec l’âge, dans l’indulgence. […] Il aurait fallu commencer par écraser ces quatre cafards mous : les Beatles. Maintenant, c’est trop tard. »

« Charlie Christian ne joue que des clichés, mais ce sont les siens ! Ils portent tous sa griffe de lion. Sa musique respire par riffs et auto-riffs. Il se cite lui-même. Il redonne la vie à ses chorus immortels en les désimmortalisant par une résurrection instantanée. Son solo sur Stardust, Charlie Christian ne le rejoue pas note pour note comme Coleman Hawkins rejoue son Body and Soul, il le réinvente sur le vif comme Jésus-Christ ressuscita Lazare, corps et âme. »

« Quand je sors d'un club de Jazz parisien, je reste consterné un bon moment sur le trottoir. Ils n'ont pas joué une seule note de Jazz. En France, les musiciens de Jazz ne jouent pas de Jazz. Ils aiment le Jazz. On voit ces espèces de sonneurs de cor de chasse, ces joueurs de flageolet à la fête d'Aix-en Provence, qui se prennent pour des saxophonistes, des trompettistes... En France, ils ne sont pas blancs, ils sont blêmes. »