Jean-Pierre Bertrand : Hep Cat Shuffle

Jean-Pierre Bertand (p), Guy Bonne (cl, ts), Francis
Guéro (tb), Gilles Chevaucherie (b), Nicolas Peslier
(g), Simon Boyer (dms). Paris, novembre 2009.
Je reçois toujours avec un préjugé favorable un
disque de Jean-Pierre Bertrand. D’abord parce
que Jean-Pierre figure depuis longtemps parmi les
meilleurs pianistes de boogie woogie, un aréopage
très restreint, tant il est vrai que l’on
rencontre dans ce domaine de nombreux
“musiciens“ qui ne brillent ni par leur
swing, ni par leur maîtrise instrumentale, ni par
leur imagination. Si l’Allemand Frank Muschalle
est aujourd’hui, à mon avis, le maître
incontestable du genre, Jean-Pierre est assurément un
de ses dauphins. La seconde raison expliquant mon
intérêt pour les enregistrements de Jean-Pierre
Bertrand est que notre pianiste ne cesse de
s’affirmer dans tous les domaines, la
technique, le style, etc. Je me permets
d’emprunter à un connaisseur, Louis Mazetier,
les trois dernières phrases du texte que vous lirez
sur l’emballage du CD :
« Je
l’ai vu progresser à pas de géant pour
atteindre la maîtrise et l’ouverture
qu’il a aujourd’hui acquises, Je pense
qu’il signe là son meilleur disque, plein de
tonus, d’émotion et de bonheur. Vous partagerez
ce plaisir avec moi, j’en suis
certain. »
La réussite de Hep Cat Shuffle m’en a rappelé
une autre, elle aussi due à des musiciens français,
celle du “Go To New Orleans“ des Wooden
Heads (CD sorti en 2007). Dans les deux cas nous
avons affaire à des enregistrements très typés, New
Orleans avec Wooden Heads, boogie woogie avec
Bertrand. Dans les deux cas, les orchestres montrent
une homogénéité totale, dans la maîtrise du style, le
niveau de jeu, et atteignent une cohésion et une
efficacité rares à une époque où ces orchestres ne
jouent plus qu’épisodiquement. Pour le présent
CD, cela s’explique par le fait que Jean-Pierre
Bertrand a fait un superbe casting, en choisissant
d’abord d’authentiques et émérites
jazzmen, ce qui est loin d’être toujours le cas
dans les orchestres de boogie, très “rock
n’ roll“. Il y a d’ailleurs ici un
musicien qui participe également aux Wooden Heads,
c’est Guy Bonne. Si vous aimez sa clarinette
typiquement Nouvelle-Orléans, vous la retrouverez
dans
See See Rider,
entre autres. A ses côtés, des solistes du même
calibre, Francis Guéro au trombone et Nicolas Peslier
à la guitare qui, tous les deux, pratiquent
différents registres et bonifient tout ce
qu’ils touchent, sans oublier le piano du
patron, évidemment. Mais tout cela ne pourrait
fonctionner sans le soutien oh combien stimulant du
tandem rythmique constitué par Gilles Chevaucherie et
Simon “Hep Cat Shuffle“ Boyer. Ajoutons
une dernière fleur : le répertoire est
intelligemment choisi pour évider les rédites, même
quand il fait appel au blues. Vous entendrez ici, par
exemple, les riffs du
You Need To Rock
de Johnny Hodges (1), un musicien apparemment inconnu
de la plupart des actuels spécialistes du boogie et
du blues, un comble !
Guy Chauvier
(1) Ce
You Need To Rock
figurait dans le fameux “Side By Side“,
et non dans “Back To Back“ comme
l’écrivit André Vasset dans le bulletin HCF.
Cela dit, La chronique “descriptive“ de
“l’impitoyable“
“musicologue“ est constamment
“réjouissante“, à défaut d’être
“passionnante“ :
« Sur
une partie de piano accueillante portée par une
pulsation alléchante, trombone et ténor lancent un
riff réjouissant puis passent à un second riff avant
les solos de la guitare, mobile et passionnante, du
trombone, à l'éloquence captivante, du piano, au jeu
fleuri et plein d'envolée, de la contrebasse, bourrée
d'énergie ; le morceau se termine par un retour au
riff du début toujours sous la poussée d'une batterie
impitoyable. »
Et dire que l’on songe à reculer l’âge du
départ à la retraite !