Quelques fourre-tout, deux, trois anthologies et une intégrale !

Le marché du disque de jazz continue à être majoritairement alimenté par les assemblages les plus divers. En voici quelques échantillons récents :

FREMEAUX & ASSOCIES

West Coast001
THEY GIVE A VOICE TO THE SAXES (FA 5282) ; THE GREATEST BLACK BIG BANDS (FA 5287). Ces dernières années, Frémeaux a donné beaucoup (trop) d'espace à Jacques Morgantini. Cela nous a valu quelques compiles très “prévisibles“, accompagnées de livrets où, sous la plume sentencieuse du “professeur-musicologue“, on lit une collection affligeante de bêtises. Celle-ci, par exemple : « Il (Lester Young) eut une influence importante sur de multiples saxophonistes, mais sa “descendance“ est loin d'avoir la dimension des “enfants“ de Coleman Hawkins. Tous ses imitateurs n'ont pas su capter l'essentiel de son message, l'âme de sa musique, se contentant de copier la superficie de sa personnalité musicale. On comprend qu'il est plus facile d'être un suiveur de Lester Young en adoptant son volume assez mince que d'acquérir l'énorme son, le vibrato ample, le déboulé de Coleman Hawkins ! » Vous apprécierez pleinement cette citation en sachant que les “suiveurs“ paresseux de Lester Young se nomment Paul Quinichette, Wardell Gray, Dexter Gordon, Zoot Sims, Gene Ammons, Stan Getz (j'en passe)… En effet, aucun de ces musiciens n'a l'avantage d'être choisi par Monsieur Morgantini pour figurer parmi ceux « qui donnèrent une voix aux saxophones ». La musique de Lester est plus “facile“… Nous préférons en rire. Reprenons la phraséologie morgantinienne pour conclure : il est assurément plus facile de rabâcher depuis plus d'un demi-siècle les pires clichés de Panassié que d'acquérir un minimum de rigueur, de méthode dans la maîtrise de l'histoire du jazz, un début de pertinence dans l'analyse musicale, une seule idée qui ne soit pas régurgitée telle quelle…
En revanche, on mettra en toutes les mains JAZZ WEST COAST 1950-1958 (FA 5281). La sélection et les commentaires sont l'œuvre d'un des meilleurs spécialistes du sujet : Alain Tercinet. Remarquons deux inversions : titres 19 et 20 sur le CD 1, 15 et 16 sur le CD 2.

CRISTAL RECORDS

Virtuosos001
Le label rochelais publie la collection Original Sound Deluxe où l'on ne trouve pas que du jazz mais où les albums jazz, pour notre grand plaisir, évoquent fortement les anciens et regrettés Sagajazz. Parmi les dernières références, le très frivole et délicieux A JAZZ CALENDAR (CR 331) qui s'organise autour des douze mois de l'année et des sept jours de la semaine. JAZZ LADIES (CR 328) rappellent les multiples anthologies conçues sur ce thème. On y retrouve les mêmes surprises, toujours aussi surprenantes. THE VIRTUOSOS (CR 329) combat sans merci l'idée reçue qui voudrait que virtuosité rime avec superficialité. Et ELECTRIC GUITAR MASTERS (CR 330) chemine intelligemment des chefs-d'œuvre reconnus aux chefs-d'œuvre méconnus. Tout cela a été organisé par Claude Carrière. C'est tout dire.

BDMUSIC

Nous sommes toujours aussi réservés sur la qualité des “BD“. Mais les deux CD, presque toujours bien conçus, rachètent l'entreprise. Alors, si vous recherchez des compilations de
Dinah Washington (1945-1959, des débuts hamptoniens à la période Mercury), Peggy Lee (1941-1960), Memphis Slim (1940-1960)… Celle d'Helen Merrill (due à Claude Carrière) est à mon avis la plus intéressante dans la mesure où elle contient la totalité des séances avec Clifford Brown, la totalité également de l'album Dream Of You (arrangé par Gil Evans), les cinq faces avec Bobby Jaspar, Bill Evans, Oscar Pettiford et Jo Jones, de larges extraits de You've Got A Date With The Blues…

JAZZMASTERS CABU

Quincy001
Retrouvons encore une fois Claude Carrière et son complice Christian Bonnet chez Cabu, la meilleure adresse pour acquérir à coup sûr une bonne compile. 50 SINGING LADIES (Cabu 551) est l'archétype de la sélection grand public. Mais elle offre aussi à l'amateur, par des juxtapositions inattendues, l'occasion de se rafraîchir la mémoire, voire de redécouvrir quelques perles, le solo de Clifford Brown dans What's New… Dans l'abondante discographie de Woody Herman, les années 40, la seconde moitié surtout, sont toujours citées en priorité. La décennie suivante, brillamment illustrée dans WOODY HERMAN 1949/1959 (Cabu 552), est certainement la plus sous-estimée. La plupart des enregistrements qui constituent le QUINCY JONES 1951/1959 (Cabu 549) ont fait l'histoire. Le premier disque propose l'exceptionnel big band du leader, en insistant sur les faces Mercury. Le second illustre la carrière de l'arrangeur et du compositeur, d'Hampton à Ray Charles, en passant par Gillespie, Basie… ou Salvador. Le SARAH VAUGHAN est du même niveau. Tout commence avec l'incontournable Shulie A Bop. La séance est complète. Tout comme celle qui suit, avec Clifford Brown et Paul Quinichette, autre moment de grâce. Sur le second CD, deux “live“, notamment le “At Mister Kelly“ où la chanteuse réinvente une flopée de standards.

INEGRALE LOUIS ARMSTRONG

Armstrong001
JEEPERS CREEPERS 1938-1941 (Frémeaux & Associés FA 1359). L'intégrale de Louis Armstrong, même avec les fonds de tiroirs, cela a la qualité d'un best of de bien des musiciens. C'est même souvent meilleur. Dans ce neuvième volume, les trois CD couvrent une période qui va de juin 1938 à octobre 1941. En dehors de quinze titres provenant d'émissions de radio, de deux “live“ au Carnegie Hall et de la musique du film Goin' Places, vous trouverez ici quelques-uns des nombreux trésors du label Decca : Confessin', You're A Lucky Guy, Hey Lawdy Mama, la séance avec Bechet, etc.

Guy Chauvier