Joseph Reinhardt joue Django

Joseph
JOSEPH REINHARDT. Joseph Reinhardt joue... Django. Label Ouest 304 022.2. Gipsy Jazz Memories vol. 1.

Djangology – Le manoir de mes rêves – Bric Top – Nuages – Sweet Sue – Triste mélodie – I Know That You Know – Manouche – Mon pote le Gitan – Oui, pour vous. Durée : 37'39.

Sur le monument dédié aux frères restés dans l'ombre, il faut graver le nom de Joseph Reinhardt (frère de Django) aux côtés de ceux de Frank James (frère de Jesse), Théo Van Gogh (frère de Vincent), le Masque de fer (frère – présumé – de Louis XIV), etc., etc., car la liste est longue des cadets venus trop tard et des aînés rattrapés par le génie du petit dernier, frères cachés par la trop lumineuse star familiale, deuxièmes couteaux, assistants... Les fils s'en sortent finalement mieux (quoique Lousson ne soit pas un bon exemple ; Babik, si). Quand elle disparaît, l'étoile brille encore longtemps et les frères font alors comme ils peuvent. Frank James alla vendre des chaussures, Théo ne survécut pas six mois à Vincent, Joseph raccrocha d'abord sa guitare. Puis la reprit quatre ans plus tard, en 1957. Il ne s'agissait même pas de se faire un prénom et les titres des disques qu'il enregistra alors étaient éloquents : « Joseph Reinhardt joue... Django », « Hommage à Django », « Pour Django »... Nin-Nin avait à l'occasion joué comme soliste et leader du vivant de Django mais la mort de ce dernier le poussa naturellement à prolonger cette œuvre (il essaya même de terminer la
Messe Gitane commencée par Django) au nom de la famille et de la musique. Aujourd'hui, après l'avalanche de compilations et de best of en tous genres déclenchée par le centenaire de Django, Label Ouest se distingue intelligemment en offrant une place méritée à Joseph et réédite les huit titres de « JR joue... Django » de 1958 avec Pierre Ramonet au violon. Des solos comme ceux qu'il prend sur Nuages et Triste mélodie, où les silences fréquentent les plus belles idées, placent Joseph Reinhardt parmi les guitaristes manouches importants. Des années passées à seconder les chorus géniaux de Django lui ont permis d'acquérir un solide placement rythmique mais n'ont pas fait de lui un simple clone car Joseph possède une sonorité bien à lui, métallique, une façon de phraser qui ne manque jamais de finesse, un sens aigu de la mélodie et aucune attirance pour l'épate : de la musique. Un guitariste de talent, un musicien sensible.
Deux titres sont extraits du 45 t. « Mon Pote le Gitan ». Un onzième, daté de 1947, fait entendre Joseph Reinhardt avec le « Stéphane Grappelli's Hot Four » sur une guitare amplifiée, instrument sur lequel il précéda Django. Malgré une vie musicale autonome, Joseph restera le frère, l'ombre, le premier aussi à porter ce formidable héritage. Un drôle d'emploi où l'on perd un peu de soi-même.

Dominique Périchon