Dorado Schmitt

Schmitt
Family. Dreyfus Jazz FDM 46050 369442. Miro Django - Bleu citron - My Blue Heaven - For Grappelli - Gozes Valse - Topsy - Un si beau jour - Fête de la musique - Samsong - Minor Swing - Nuages - David’s Swing - Just a Gigolo - Django’s Tiger - J’attendrai. Durée : 52’21.

Rarement un disque aura mérité d’être appelé si justement “album“ car le dernier CD de Dorado est bel et bien un album de famille : le titre, la photo de pochette, les dédicaces et, avant tout, les musiciens montrent que les Établissements Schmitt, Père & fils (& neveu & beau-frère), spécialisés dans le swing au détail et la pompe pas mécanique, sont une entreprise qui tourne bien. D’abord, le père. Dorado, malgré sa discrétion, une figure importante de la culture manouche, compositeur, guitariste, violoniste - et à chaque fois d’une égale originalité. Il délaisse ici son archet et offre quelques-unes de ces mélodies qui sonnent avec l’évidence d’un standard : pour preuve, le Miro Django d’ouverture ou la Gozes Valse... Quant au guitariste, à l’improvisateur, il marque de son jeu personnel et raffiné le jazz manouche depuis le début des années 80. Ce disque confirme la classe du monsieur, sans toutefois offrir une de ces interprétations qui brillent d’un génie particulier et qu’on écoute en boucle pendant deux mois.
Dorado n’a pas que du talent : il a aussi des fils (et un neveu) (et un beau-frère). On a déjà dit ici tout le bien qu’on pensait de Samson, l’aîné, rencontré notamment sur “Les Enfants de Django“ : son Samsong swingue sans stress, flânant sur les grilles, le médiator décontracté. Les deux autres garçons, Bronson sur Nuages et Amati sur Minor Swing, puis le neveu Brady Winterstein sur Topsy, semblent eux aussi avoir retenu la leçon de Dorado, qui voudrait que la musique rime d’abord avec feeling et qu’un chorus doit être aussi mélodique que possible. L’école familiale fut, de toute évidence, excellente mais s’il y a un domaine où l’hérédité ne joue guère, c’est bien le génie, et ces jeunes gens-là ne doivent leurs qualités qu’à eux-mêmes. La tradition se perpétue avec le talent confirmé de Samson et la relève semble assurée par ces jeunes guitaristes pleins de promesses.
Fidèle depuis des années à Dorado (quand il n’accompagne pas Biréli), Hono Winterstein est devenu au fil du temps LE guitariste rythmique qui soutient, encourage, dope les chorus des solistes. Côté family, il est le beau-frère. En passe de devenir aussi inévitable que Hono dans les disques manouches, Gautier Laurent tient la contrebasse, et Stéphane Huchard les balais, si discrètement qu’ils se fondent avec les guitares. Que demander de plus à une rythmique ?
Marcel Loeffler et son accordéon, sur six titres. Si le musicien est brillant, on a un peu l’impression qu’il joue parfois le rôle de “l’invité sur un disque de jazz manouche“, un rôle respectable en soi mais dont la nécessité (qui a tendance à virer au systématique) ne se fait pas toujours ressentir.
Deux raisons principales d’acheter ce CD de Dorado Schmitt : retrouver un grand musicien dans un bon disque, bien entouré, et découvrir ceux qui seront peut-être demain les grands noms de cette musique.

Dominique Périchon
(Jazz Classique n°58)