Rocky Gresset

D’étonnants
guitaristes, voltigeurs des cordes, le jazz manouche
actuel en regorge. Des voix singulières, qui se font
une place dans cette famille, la chose est plus
rare... Rocky Gresset, la trentaine, appartient à
cette dernière catégorie : une personnalité, un son
tout en nuances, une certaine douceur dans le toucher
et un sens subtil de la mélodie dans les
improvisations. Pour son premier disque sous son nom
(il était de l’aventure Selmer 607), il
n’a pas joué la carte de l’hommage ou de
l’exhibition. Rocky Gresset s’est
contenté d’être lui-même (bonne idée !) et
l’apparente hétérogénéité du répertoire
(Reinhardt, Montgomery, Petrucciani, etc.)
n’entraîne aucunement le guitariste dans un jeu
à géométrie variable. A peine le style se fait-il
plus suave, plus feutré, quand Rocky passe de
l’acoustique à l’électrique... Quand il
interprète un thème (prenez au hasard Time On My
Hands), il n’aligne pas les plans que sa
technique et sa culture lui permettraient sûrement de
jouer sans effort : à ce bavardage
d’instrumentiste triste, il préfère les
atmosphères, les mélodies et la nuance... Ce
n’est pas non plus la facilité qui a guidé le
choix des titres, standards peu joués dans le jazz
manouche ou compositions personnelles en forme de
ballades. A ses côtés, des noms désormais bien connus
assurent efficacement le drôle de travail, humble et
indispensable, d’accompagnateurs dans un disque
de jazz manouche : Diégo Imbert ou Jérémie Arranger à
la contrebasse, Mathieu Chatelain à la guitare
rythmique. Quant à la deuxième voix soliste, elle
sort du violon de Costel Nitescu, qui n’apporte
pas un véritable contraste avec la guitare de Rocky
Gresset mais dialogue avec le même accent et
travaille la délicatesse du bout d’un archet
émule de Grappelli.
Un disque intime, pourrait-on dire, dans le vrai sens
du terme : personnel et profond.
Dominique Périchon
(Jazz Classique
n°58)