Pour Cécile (McLorin Salvant) et Denise (King)
Côté masculin, la moisson n’est pas plus
heureuse, au contraire… Nous avons reçu
Devil May Care,
le dernier
Jamie Cullum.
Il est plus jazz que le précédent. Ce n’était
pas difficile. Ici, comme dans le dernier Count Basie
orchestra où il était invité sur
Blame It On My Youth,
Jamie fait le crooner. Il sait faire. Le problème,
c’est que, quel que soit l’angle sous
lequel vous considérez sa performance, le timbre, le
phrasé (etc.), il n’ a aucune personnalité. Il
n’est pas le seul. Je viens
d’écouter
Rush Of Love,
de
Mitch Winehouse,
un des multiples sous-Sinatra, un sexagénaire
anglais, père de la chanteuse Amy Winehouse. Ce
n’est pas un mauvais disque, seulement un
disque inutile. Passons…



Guy Chauvier
(1) On retrouve la plupart de ces musiciens dans
l’excellent et dernier CD de David Sauzay, à
mon avis son meilleur,
Open Highway.
Le ténor y est en compagnie d’Alain Jean-Marie
(p), Michel Rosciglione (b), Mourad Benhammou (dms),
Fabien Mary (tp) et Michael Joussein (tb).
Chroniqué dans Jazz Classique n°50 :
(2)
CATHERINE RUSSELL.
Sentimental Streak.
World Village 468075.
So Little Time So Much To Do - I’m Lazy,
That’s All - Kitchen Man - Oh Yes, Take Another
Guess - New Orleans - My Old Daddy’s Got A
Brand New Way To Love - South To A Warmer Place -
Thrill Me - You Better Watch Yourself, Bub -
I’ve Got That Thing - I Don’t Care Who
Knows - Broken Nose – Luci - You For Me, Me For
You.
Durée : 47’05.
Distribution Harmonia Mundi.
Vous ne connaissez peut-être pas encore Catherine
Russell mais vous apprendrez vite à la reconnaître.
Elle a tout un tas de qualités qui la distinguent de
ses consoeurs, à commencer par son timbre, noir,
légèrement voilé, parfaitement homogène et, surtout,
facilement identifiable.
Pour chaque chanson interprétée, Catherine cite ses
sources : Louis Armstrong, Pearl Bailey, Bessie
Smith, Ella Fitzgerald, Alberta Hunter, King Oliver,
etc. Elle peut en effet jouer cartes sur table,
jamais elle ne souffre d’une quelconque
comparaison car elle ne copie jamais qui que ce soit.
Ici ou là, vous repèrerez peut-être une phrase dont
la diction évoquera Ethel Waters, une inflexion à la
Bessie Smith, un phrasé inspiré par Armstrong - que
sais-je ? -, il n’empêche, toutes les
influences sont harmonieusement fondues et la
chanteuse fait tout à sa manière. C’est à peine
si elle change quoi que ce soit quand le répertoire
s’évade du tronc commun des références citées
plus haut.
Ce qu’il y a sans doute de plus intéressant, et
aussi de plus étonnant, chez Catherine Russell,
contrairement à la multitude des chanteuses actuelles
(je parle de celles qui ont quelque chose à voir avec
le jazz classique) qui s’expriment toutes (ou
presque) de façon très travaillée, très contrôlée,
très sophistiquée, voire parfois, malheureusement,
très apprêtée, c’est qu’elle chante un
jazz on ne peut plus classique avec un naturel digne
de la grande époque.
En fait, Catherine Russell n’a pas eu à
apprendre la musique qu’elle chante, elle la
connaît depuis toujours, elle est née dedans
puisqu’elle est la fille de Luis Russell, le
fameux pianiste et chef d’orchestre qui
accompagna notamment Louis Armstrong à partir de la
fin des années 20, et de Carline Ray, contrebassiste,
guitariste et chanteuse qui s’illustra, entre
autres, aux côtés de Mary Lou Williams, The
Sweetheart Of Rhythm ou, plus récemment, Wynton
Marsalis. Catherine est née en 1956, son papa avait
cinquante-quatre ans et devait décéder sept ans plus
tard. Une photo du livret la montre à quatre ans dans
les bras de Louis Armtrong. Depuis, Catherine est
devenue danseuse, puis chanteuse, mais pas toujours
de jazz. Elle compte tout de même à son actif une
collaboration avec Carrie Smith dans les années 80.
Mais c’est en faisant régulièrement le
bœuf au Sweet Basil de Greenwich Village, avec
Doc Cheatham, dans les années 90, qu’elle va
réorienter sa carrière en direction des racines
familiales.
En 2006, Catherine Russell produisit un premier CD,
“Cat“ (également distribué par Harmonia
Mundi). Je ne doute pas que ses admirateurs y
trouvent de nombreuses raisons de
s’enthousiasmer. “Sentimental
Streak“, me paraît toutefois nettement
supérieur, à cause du répertoire, plus recentré et
plus apte à mettre en valeur la personnalité de
la chanteuse, une personnalité aujourd’hui
plus affirmée, à cause aussi de la grande qualité des
accompagnateurs du dernier enregistrement :
James Wormworth (dms), Les Hudon (b), Matt Munisteri
(g), Mark Shane (p)… (Guy Chauvier)
(3)
Ce CD intitulé tout
simplement Cécile McLorin Salvant et le
Jean-François Bonnel Paris Quintet
a été produit à compte d’auteur. Il est vendu
lors des concerts. On peut le télécharger sur I
Tunes, Amazon ou CD Baby. Il est également disponible
sur le label japonais Agathe.