Thierry Ollé
Je me souviens avoir
acheté ce CD il y a deux ou trois mois pour Allen
Toussaint bien sûr (une figure emblématique de la
Nouvelle-Orleans), pour le répertoire
(essentiellement des standards et parfois peu joués
tels que Egyptian Fantasy de S. Bechet ou bien Bright
Mississippi de T. Monk) et aussi (et surtout !) pour
la présence de quelques pointures du jazz “hard
bop revival“ (Nicholas Payton), voire même
“d'avant-garde“ (Don Byron et Marc
Ribot), me demandant comment tout ce beau monde
allait pouvoir cohabiter au sein d'un tel projet.
Eh bien, premier constat, l'excitation qu'aurait pu
provoquer chez moi une telle réunion est loin d'être
au rendez-vous. Ici, pas de chorus débridés, pas de
rythmique au bord de l'implosion et pourtant, vu le
personnel... On est plutôt dans une ambiance
“soft jazz“ (très en vogue aujourd'hui)
rappelant un petit peu les albums pseudo
“variétés-jazz“ d'une Madeleine Peyroux
ou d'une Norah Jones. Un beau packaging, un son
flatteur et l'exotisme du titre de l'album
(aujourd'hui, tout ce qui est “world“ est
par définition “génial“) font que
“The Bright Mississippi“ se classe
neuvième au top musique 2009 des
“Inrockuptibles“, c'est tout dire !
Côté piano puisque c'est le disque d'un pianiste et
que forcément, j'aime les disques de pianistes, on a
droit à une leçon de sobriété (le jeu d'Allen
Toussaint me rappelle par moments celui d'Art Hodes).
Si vous vous attendiez à des riffs
“bluesy“ dévastateurs façon Dr John ou
bien à un jeu un peu “décalé“ à la Harry
Connick Jr, passez votre chemin ! D'une manière
générale, Allen Toussaint et ses collègues se
refusent à une quelconque prise de risques procédant
ainsi à une aseptisation certaine du disque. Au
final, cela donne un produit sans grande originalité
voire même très conventionnel. Personnellement, je ne
trouve pas ça déplaisant mais ce n'est pas d'un
intérêt majeur et, je le répète, c'est dommage vu le
casting.
Alors ? Quoi qu'il en soit, ce n'est pas mon disque
de chevet et encore moins un disque
“monstrueux“. Simplement un beau coup
commercial, bien ficelé mais qui se laisse cependant
écouter. Je m'en réjouis d'avance pour Allen
Toussaint.