Guillaume Nouaux
Voici un très beau
disque de jazz avec une forte personnalité musicale
comme il n'en sort pas si souvent. Une musique
personnelle donc, mais qui conserve tout de même la
saveur de la tradition louisianaise imposée par le
jeu du leader. Si ce disque est tellement réussi,
c'est qu'Allen Toussaint a su rendre d'une cohérence
parfaite sur un même disque des thèmes de
compositeurs aussi variés que Jelly Roll Morton,
Thelonious Monk, Duke Ellington, Django Reinhardt...
De plus, le choix du casting réunissant des musiciens
tout aussi inattendus qu'excellents : Don Byron
(clarinette), Nicholas Payton (trompette), Brad
Mehldau (au piano sur un titre) ou Joshua Redman
(sax)... Don Byron est vraiment incroyable à la
clarinette, bien qu'il ne soit pas particulièrement
connu pour jouer dans un tel contexte musical, on
entend bien qu'il connaît et maîtrise parfaitement ce
“feel“ New Orleans et me fait parfois
penser à des clarinettistes comme Evan Christopher
dans les phrases ou Orange Kellin par sa sonorité.
Ses échanges et son jeu en accompagnement de la voix
de Nicholas Payton sur Egytian Fantasy sont
fantastiques. Nicholas Payton est quant à lui égal à
lui-même et donc jamais pris en défaut, il est sans
aucun doute un des meilleurs trompettistes
néo-orléanais de jazz actuellement. Sur ce disque
encore il nous le confirme, c'est la grande classe !
Joshua Redman joue ici une magnifique version de Day
Dream au ténor en duo avec Allen Toussaint, les deux
jouent leurs tripes, ça c'est le blues ! Brad Mehldau
(dont je ne suis pourtant pas particulièrement fan de
l'esthétique musicale lorsqu'il est sous son nom)
nous fait ici cadeau d'une superbe version en piano
solo du fameux Winin' Boy Blues de Jelly Roll Morton.
Il le joue à sa façon et c'est très clair qu'il ne
tente pas ici de faire de la copie de Morton mais il
reste néanmoins assez proche du morceau original et
le joue avec une grande musicalité. La rythmique au
complet (Marc Ribot : guitare / David Piltch :
contrebasse / Jay Bellerose: batterie) intervient sur
quelques morceaux seulement mais est toujours
excellente, avec une mention spéciale pour le
guitariste Marc Ribot sur Long Long Journey où il
joue merveilleusement le blues, avec un son à
l'ancienne rappelant John Lee Hooker.
Le répertoire n'est pas très arrangé et il laisse
donc un maximum de liberté à ses interprètes avec
plusieurs moments de musique “magiques“,
ce qui n'est pas si rare en live mais qui l'ai déjà
plus pour un enregistrement réalisé en studio. Bref,
un disque de musique avec un grand
M
et ça
fait du bien... Bravo !